Séminaire Longues
marches
(org. François
Nicolas et Alain Rallet)
les mardis de 18h30 à 21h
Librairie Résistances
4 Villa Compoint (angle du 40 rue Guy Môquet) –
75017.Paris
M° Guy Môquet ou Brochant
http://www.librairie-resistances.com/presentation/plan/
info [at] longues-marches.fr
http://www.longues-marches.fr/Seminaire
· 17 octobre 2023
· 5 décembre 2023
· 16 janvier 2024
· 5 mars 2024
· 16 avril 2024
· 4 juin 2024
Selon Lénine (1913) réinterprétant Kautsky
(1908), l’orientation communiste du marxisme s’est constituée en référence à
« trois sources » intellectuelles : le socialisme utopique
français (Saint-Simon et Fourier), la philosophie dialectique allemande
(Hegel et Feuerbach) et l’économie politique anglaise (Smith et
Ricardo).
Après l’échec des États socialistes au XXème
siècle, l’orientation communiste, aujourd’hui plus que nécessaire et seule
capable de faire face aux sombres perspectives du nihilisme contemporain, est
confrontée à la question du renouvellement de ses sources intellectuelles.
Posons que deux siècles plus tard, cette
orientation communiste se revitalisera en profondeur en puisant à trois
nouvelles sources contemporaines de pensée : la Révolution communiste
chinoise (engagée en 1958 dans les campagnes par les Communes populaires et
étendue en 1966 aux villes par la Révolution culturelle), la philosophie
française des sujets de vérités (de Bachelard à Badiou en passant par
Sartre et Lacan) et la pensée mathématique moderne (de Galois à
Grothendieck en passant par Riemann, Dedekind, etc.).
Ce séminaire s’attachera à explorer la
fécondité intellectuelle de ces trois sources au fil de six séances annuelles.
Mardi 17 octobre 2023 - François
Nicolas : Trois sources de pensée ?
Mardi 5 décembre 2023 - Alain Rallet : La contradiction villes-campagnes
Mardi 16 janvier 2024 - Alessandro Russo :
La Révolution communiste chinoise
Mardi 5 mars 2024 – Marion Bottollier et Camille Duquesne : Une écologie
communiste ?
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Mardi 17 octobre 2023 ; 18h30
Librairie Résistances
4 Villa Compoint – 75017.Paris
François Nicolas : Trois sources de pensée pour une
intellectualité communiste contemporaine ?
Pourquoi de nouvelles sources de pensée pour
une intellectualité communiste contemporaine ?
1. En quoi la Révolution communiste chinoise
1958-1976 (spontanément engagée le dimanche 27 avril 1958 par les paysans du
Henan fondant inopinément [1]
la toute première Commune Populaire par fusion de 27 coopératives) peut-elle
continuer au XXI° siècle d’inspirer une politique communiste ?
Perspective : repenser les tenants et aboutissants
des politiques communistes contemporaines.
Pour
entamer, cette première révolution proprement communiste de toute l’histoire de
l’humanité nous rappelle qu’une politique communiste est révolutionnaire (elle
vise à révolutionner l’ensemble des rapports sociaux, tout spécialement de
production et d’habitation [2]).
Et cette révolution (communiste) dans la révolution (socialiste) nous le
rappelle en révolutionnant l’idée même de révolution politique puisqu’elle
intrique, aux modalités classiques de révolutions par abandon-déplacement ou
destruction-reconstruction, une nouvelle modalité, proprement moderne :
par adjonction-extension.
2. En quoi la philosophie française des sujets
de vérités (qui s’étend de Bachelard à Badiou en passant par Sartre et
Lacan) peut-elle aider les communistes à s’orienter dans la situation
idéologique contemporaine ?
Perspective : repenser la dialectique des opérateurs
subjectifs et, par là, celle des organisations
égalitaires visant une politique de justice.
On
thématisera ce point en examinant la puissance de vérité que la philosophie de
Bachelard accorde à l’imagination scientifique, à « la rêverie
savante » et à « l’erreur rectifiée ».
3. En quoi la pensée mathématique moderne
(de Galois à Grothendieck en passant par Riemann, Dedekind, etc.) peut-elle
éclairer l’intellectualité communiste contemporaine ?
Perspective : repenser l’ancrage matérialiste des
politiques communistes dans les situations du monde contemporain selon des
dialectiques qui ne relèvent plus du reflet, de l’expression ou de la
représentation mais d’une autonomisation (émergente, inconsciemment constituée
et rétroagissante) entre échelles différentes.
On
avancera par exemple l’invention (au début du XIX° par Gauss et Cauchy) des
« nombres » complexes qui viennent mathématiquement formaliser les possibles
d’une situation donnée, sans se contenter (comme les mathématiques classiques
précédentes) de formaliser, par les nombres réels, leurs effectivités.
Ce
faisant, la pensée mathématique éclaire un principe subjectif à l’œuvre dans
toute forme d’émancipation : il n’y a pas que ce qu’il y a.
Au total donc, trois sources de confiance en
l’humanité et en ses pensées pour réaffirmer un matérialisme politique de notre
temps.
***
Mardi 5 décembre 2023 ; 18h30
Librairie Résistances
4 Villa Compoint – 75017.Paris
Alain Rallet : D’une vision classiste à une
vision politique de la contradiction ville/campagne
La contradiction entre la ville et la campagne
occupe une place centrale dans la caractérisation marxiste du communisme. Elle
est décrite par Marx et Engels comme la première grande forme de division du
travail. Or la division du travail fonde la division de la société en classes,
attise les contradictions au sein du peuple et enferme les individus dans les
horizons bornés et aliénants de l’animal humain des campagnes versus l’animal
humain des villes. La construction communiste de la communauté implique l’abolition
de cette division du travail. C’est le substrat auquel chacun fait référence.
Je distinguerai cependant deux traitements
différents de la compréhension de cette contradiction. Le premier
repose sur une approche classiste, c’est-à-dire sur la transitivité
classe sociale / classe politique / pouvoir. Dans la
description qu’en donnent Marx et Engels, le rapport ville/campagne fonctionne
comme contradiction motrice dans les sociétés asiatiques, antiques et féodales.
À partir du capitalisme, elle fonctionne comme contradiction subordonnée à l’antagonisme
de classes. Elle finit par constituer une sorte de décor dans lequel s’affrontent
les classes et leurs alliances, soit en fin de compte les stratégies
politiques. Une grande attention est en particulier accordée à l’analyse de
classe de la paysannerie (paysans pauvres, moyens pauvres, moyens riches,
riches) pour nouer l’alliance avec les ouvriers constitués eux comme un bloc
monolithe par le rapport d’exploitation. Cette approche s’articule très bien
avec la conquête du pouvoir mais n’est pas transitive au communisme comme
abolition de l’opposition ville/campagne.
C’est pourquoi il faut partir d’un autre
point : la portée politique intrinsèque de cette abolition, son efficacité
propre. C’est l’innovation principale apportée par les Communes populaires en
Chine à partir de 1958. Alors que la période précédente avait vu la
construction laborieuse de coopératives agricoles, les Communes populaires
proposent un « faire monde » nouveau avec une distribution nouvelle
des pouvoirs, un système évolutif de propriété collective, de nouvelles formes
de rémunération du travail dépassant la seule règle « à chacun selon son
travail », des formes d’industrie rurale, la gestion d’établissements de
santé et d’éducation… Un « faire-monde » nouveau toujours localisé à
la campagne mais qui n’est plus le monde campagnard traditionnel.
Partons aujourd’hui ici de cette même
idée : la recherche d’une réduction de l’opposition ville/campagne peut
avoir une efficacité politique propre. Permettant tout à la fois de se greffer
sur les apories actuelles du capitalisme dans ce domaine et de remonter par le
travail politique jusqu’aux conditions nécessaires à l’effectuation de cette
réduction. Bref remonter de l’espace aux affrontements politiques.
Pour donner une épaisseur propre au rapport
ville/campagne, je propose de partir de trois rapports spatiaux : la localisation, la polarisation (concentration/dispersion), l’interpénétration des espaces (ou mise en relation des points).
Chacun recouvre une pluralité de questions. La localisation est la manière d’habiter
l’espace (localisation de l’habitat, des industries…). La polarisation désigne
la manière d’organiser l’espace (repeuplement des campagnes, taille et
localisation des villes, inégalités régionales, problème de désertification).
La mise en relation des espaces urbains et ruraux soulève les questions de l’alimentation,
de l’usage conflictuel des sols, de l’écologie…. Chacun implique des choix
politiques portant sur le dépassement de l’opposition ville/campagne.
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[1] « Certains événement heureux peuvent se produire d’une façon inattendue : c’est le cas des Communes populaires, dont l’apparition en avril n’avait pas été prévue et qui ne furent l’objet d’une décision officielle qu’en août. » Mao (19 décembre 1958)
[2] « On ne peut pas dire que le passage au communisme n’est pas une révolution car la substitution d’un rapport de production à un autre rapport de production est un bond qualitatif, c’est-à-dire une révolution. » Mao (1960)